Prise en charge de la douleur

« La formation des professionnels de santé (…) ainsi qu’une démarche d’éducation de la santé par ces mêmes professionnels auprès des patients dépendants aux opiacés, sont le fondement de l’amélioration de la prise en charge de la douleur dans cette population spécifique et vulnérable  » (Mialou et al , 2010)

​Quel est le contexte ?

La prévalence de la douleur chez les patients sous TSO est plus élevée que dans la population générale. Ceci pourrait s’expliquer par deux points : l’hyperalgie induite par la prise chronique d’opiacés et la sensibilité accrue à la douleur.
Le fait que les patients ne ressentent plus la douleur car les MSO sont aussi des analgésiques puissants est une idée reçue. En effet, l’action analgésique de la méthadone ou de la BHD ne couvre qu’une période de 4 à 8 heures, insuffisante pour permettre une prise en charge adaptée de la douleur tout en sachant que la prise du MSO est en une prise unique journalière.

​Quelles conséquences peut avoir une mauvaise prise en charge de la douleur chez ces patients ?

Elle peut avoir pour conséquences :

  • un recours à l’utilisation de produits illicites,
  • une automédication par des antalgiques inappropriés,
  • un déséquilibre du traitement substitutif en cours,
  • des conséquences médicales et psychosociales liées à la recherche de drogue.

​Quelle stratégie thérapeutique à visée antalgique peut-être mise en oeuvre chez ces patients ?

Première étape : Décrire la douleur et son contexte avec comme prérequis de croire le patient. Les objectifs ici sont de décrire précisément la douleur (à l’aide d’échelles validées), éliminer un syndrome de manque en opiacés (voir partie « Gérer un patient en manque »), rechercher une étiologie potentielle, évaluer psychologiquement le patient, identifier les co-addictions actives et un mésusage de MSO ou d’antalgiques, rechercher les contre-indications à certains traitements.

Deuxième étape : Des stratégies pharmacologiques sont décrites en fonction de l’intensité de la douleur, la chronicité de la douleur et en fonction du MSO en cours.

Douleur aigue
Douleur chronique

Des règles complémentaires sont à respecter :

  1. Éviter les opioïdes faibles, moins efficaces en cas de substitution.
  2. Ne pas prescrire d’agonistes partiels ni d’agonistes-antagonistes pouvant provoquer un syndrome de sevrage physique.
  3. Ne pas prescrire de formes injectables (sauf nefopam).
  4. Penser aux co-analgésiques (ex : antidépresseurs, antiépileptiques, antispasmodiques…).
  5. Hospitalisation de courte durée pour équilibrer un traitement.
  6. Penser aux approches non pharmacologiques.
  7. Un seul prescripteur / Un seul pharmacien.
  8. Consultations plus fréquentes pour évaluer l’efficacité et la tolérance de la stratégie antalgique mise en oeuvre.

​A savoir !

La solution de co-administrer de la buprénorphine et un morphinique à finalité antalgique représente :

  • une contre-indication absolue dans le résumé des caractéristiques de la buprénorphine
  • un risque d’inefficacité : les doses d’opioïdes nécessaires pour obtenir une compétition sur les récepteurs μ et une activité antalgique possible peuvent être très élevées. Les doses classiquement utilisées seront inefficaces.
  • un risque d’overdose important : en cas de diminution du traitement de substitution, il y a un risque d’overdose avec dépression respiratoire (libération des récepteurs μ par la buprénorphine et présence de forte dose de morphiniques).

Pour revenir à la buprénorphine, il faudra appliquer les mêmes précautions : attendre le wash-out de morphine et l’apparition des premiers signes de sevrage pour administrer la buprénorphine et ne pas risquer de précipiter un syndrome de sevrage.
Dans le cadre de douleurs chroniques sévères, ou de chirurgies douloureuses programmées, une autre stratégie consiste à substituer la buprénorphine par de la méthadone beaucoup plus maniable en association à la morphine. La modification du traitement de substitution doit être réalisée par un addictologue.

Victorri-Vigneau et al, 2009

Les points clés à retenir :

  • La prise d’opioïdes à forte dose ne rend pas les patients insensibles à la douleur
  • Une mauvaise prise en charge de la douleur du patient peut avoir des conséquences néfastes pour ce dernier
  • La prise en charge de la douleur est différente en fonction du médicament de substitution initial
  • La co-administration de la buprénorphine et d’un morphinique à finalité antalgique est une contre-indication absolue

Sources

Stratégies antalgiques et médicaments de substitution aux opiacés – Mialou et al, 2010

Prise en charge de la douleur aiguë chez les patients sous TSO – Victorri-Vigneau et al, 2009
Guide de l’addictologie en pharmacie d’officine, édition RESPADD, page 63, 2014